Pascal Verbena

REPÈRES BIOGRAPHIQUES

1941 : Naissance de Pascal Verbena à Marseille, dans le quartier du Vieux-Port, où ses parents étaient mareyeurs.
1957 : Après une année d’apprentissage maritime à Sète à bord du bateau-école « Gouverneur Général Lépine », il s’embarque au long cours dans la marine marchande sur des cargos qui opèrent le long des côtes africaines.
1960 : Il arrête le long cours, devance l’appel dans la marine nationale et part en Algérie. Pendant ses factions, il taille ses premières figurines.
1962 : À son retour d’Algérie, il revient à Marseille où il fera de petits travaux, notamment la restauration des barques marseillaises (pointus).
1964 : Mariage avec Viviane dont il aura un enfant, Thierry.
Est nommé facteur au centre de tri de Grenoble-gare, puis revient à Marseille où il est affecté au tri de nuit de Marseille-Colbert. Pendant sept ans, il sera télégraphiste de nuit dans les quartiers populaires. Il réintègre ensuite le centre de tri de Marseille où il restera jusqu’à sa retraite anticipée en 1992.
1966 : Il se lance dans la peinture. Il peint tout d’abord des toiles avec des personnages pour glisser peu à peu vers le noir. Insatisfait, il les détruit et se tourne vers la sculpture dont il sent qu’elle est son mode d’expression. Il réalise des objets qu’il appelle des Habitacles avec du bois flotté récupéré sur les rivages.
1970 : Il créé « Les pondeuses », série de sculptures réalisée avec le bois des pupitres qu’il récupère dans le centre de tri où il travaille.
1978 : La galerie L’Atelier Jacob, Paris, lui organise sa première exposition avec ses « Habitacles ». L’année suivante, elle expose la série des « Pondeuses » et en 1979 « Les retables ».
Participation à l’exposition Les Singuliers de l’art, organisé par l’A.R.C., Musée d’art moderne de la Ville de Paris.

1979 : Participation à l’exposition Outsiders organisée par Art Council, Londres.
1980 : Participation à l’exposition 10 ans de création au Musée Cantini, Marseille.
1982 : Exposition personnelle à la galerie Buccholz, Munich.
Il crée une sculpture pour l’exposition Galilée Plastique à l’occasion de la première de Marcel Maréchal à La Criée, nouveau théâtre de Marseille.
1984 : Exposition personnelle à la galerie Rosa Esman, New York.
1985 : Il fait la connaissance de Nelly Thibaut qui deviendra sa compagne.
1989 : Parution de Leurréthiques, livre d’artiste, tiré à 50 exemplaires, rehaussé à la main, éditions Vis à Vis.
1992 : Exposition personnelle à la galerie Chave, Vence, où il exposera de nouveau en 1995-1996.
1993 : Participation à l’exposition Les étonnants, maison de la Culture de Nevers. Réalisation d’une vidéo sur l’artiste.
1994 : Exposition personnelle à la Reed’s Gallery, Londres.
1995 : Exposition personnelle à la galerie Argiles, Paris.
1996 : Edition de l’ouvrage Ephémère oasis, tiré à 69 exemplaires, édité et imprimé par la galerie Chave (Vence).
1997 : Réalisation du court-métrage Bois d’épaves par Philippe Lespinasse pour l’émission télévisée « Thalassa ».
1998 : Aux Vigneaux , il récupère les ardoises des vieilles toitures et introduit cet élément dans son œuvre.
1999 : Exposition personnelle à la galerie Phyllis Kind, New York.
2000 : Exposition Galerie Chave. Il renoue avec le dessin à l’encre indélébile sur papier marouflé sur bois.
2003 : Exposition personnelle au Musée de l’Hospice Saint-Roch à Issoudun (Indre).
2004 : Exposition personnelle à la Galerie Chave, Vence.
2005 : Exposition Deux postiers singuliers Musée de la Poste, Paris.
2007 : Galerie Chave. Présentation de Sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle – LA BISE DE L’ÂNE

GILBERT LASCAULT
LES JEUX DES MÉTAMORPHOSES

L’ŒIL INAPPRIVOISÉ

La pensée sauvage de Pascal Verbena, son œil inapprivoisé, sa recherche indomptée créent des œuvres imprévues. Contre tout conformisme, contre tout ennui, Pascal Verbena invente des formes nouvelles. Ses œuvres sont à la fois modestes et subtiles, élémentaires et raffinées. Pascal Verbena est (comme on l’a dit) un de ces «singuliers», un de ces «irréguliers de l’art» qui transforment notre propre vision, qui décentrent le monde regardé. Des jeux de déformations, d’inter pénétrations des formes, de condensations, d’agglutinations, de mélanges, d’anamorphoses, de métamorphoses créent une vie épanouie. Les formes et le fond se confondent en un vertige joyeux. Tout bouge.

LA MER ET LES BOIS FLOTTÉS

Pascal Verbena, né en 1941 à Marseille, est fils de mareyeurs. À quinze ans, il embarque sur un cargo, travaille à bord, joue de la guitare dans les ports. Puis il revient. Alors, il est engagé à Marseille au Tri Postal en équipe de nuit. Le jour il pêche la truite, il cueille des champignons, il rencontre ses amis, il rêve. Sédentaire, sage, stable, songeur de son nomadisme passé, de ses odyssées, il se situe à la frontière de la mer et de la terre, des humeurs et du sec, à une frontière mouvante, modifiée par les marées, lorsque les vents changent. Le rivage de la mer est un lieu de métamorphoses et d’échanges perpétuels, tel que le décrit Paul Valéry (Eupalinos, ou l’architecte, 1923) : «Cette frontière de Neptune et de la Terre, toujours disputée par les divinités rivales, est le lieu du commerce le plus incessant. Ce que rejette la mer, ce que la terre ne sait pas retenir, les épaves énigmatiques; toutes les choses enfin que la fortune livre aux fureurs littorales, et au litige sans issue de l’onde avec le rivage, sont là portées et déportées, élevées, rabaissées, prises, perdues, reprises selon l’heure et le jour, tristes témoins de l’indifférence des destinées, ignobles trésors, et les jouets d’un échange perpétuel comme il est stationnaire…» Pascal Verbena cherche, sur la plage, des bois flottés, des fragments de bateaux, des bancs jetés, des os d’animaux noyés, des coquillages, des pierres ponces, des « cailloux de mer » érodés…Il les choisit. Il les trie (comme lorsqu’il travaillait au Tri Postal). Il les recueille; il les rassemble; il les engrange; il les conserve, les stocke. Il les garde; il sait qu’il les utilisera et il attend ses œuvres à venir. La mer et les millénaires l’attirent. Selon Léonard de Vinci, «la salure de la mer est la sueur de la Terre ». Pour Jules Michelet ( La mer, 1861), l’eau de la mer est légèrement blanchâtre et un peu visqueuse. Ce serait la mer de lait, une «eau animale organisée», une «richesse gélatineuse» de la vie. Les mers sont des humeurs du cosmos. Aphrodite, la déesse de l’amour, serait (selon une tradition) la «Femme née des Vagues» : elle serait la fille d’Ouranos dont les organes sexuels, tranchés par Cronos, tombèrent dans la mer. La mer et l’amour se lient…Un des titres de Pascal Verbena s’intitule Océanides. On dit que trois mille filles d’Océan et de Téthys, personnifient les vagues de la mer, des sources et des ruisseaux. Au-delà de la plage, il récupère des troncs d’arbres morts dans les Alpes du Briançonnais, où il a sa maison. Quand il pêche, il contemple l’eau transparente ou trouble, les poissons, les libellules, les grenouilles. Il examine, parfois, de minuscules bestioles, des vibrions, il les peint transformés, très agrandis. Il regarde les oiseaux, les insectes, les quadrupèdes.

RETABLES, HABITACLES, TABERNACLES

Certaines œuvres sculptées de Pascal Verbena sont des retables étranges, des polyptyques. Leurs volets sont tantôt dissimulés, tantôt déployés. Ils sont tantôt recelés, tantôt révélés. Ils sont tantôt renfermés, tantôt offerts. Ils se verrouillent et s’ouvrent. Parfois, ils manifestent des scènes énigmatiques, des sortes de spectacles suggérés, des figures ambiguës. Ces œuvres peuvent être des habitacles. Sur un navire, un habitacle était une sorte d’armoire qui contenait le « compas de route » et les lampes. Les œuvres sont liées à des quêtes, à des recherches de trésors, à des trajets inconnus, à des odyssées, à des pérégrinations mentales, à des voyages spirituels. Ces œuvres ne sont pas loin des tabernacles, de ces petites armoires fermant à clé, occupant le milieu de l’autel d’une église et contenant le ciboire. Elles sont proches des châsses, des coffres qui gardent les reliques d’un saint. Pourtant, Pascal Verbena estime qu’il n’est pas un chrétien. Il dit parfois être un «païen». Il serait peut-être un artiste chaman. Il aurait conscience de l’existence des esprits maîtres, des forces de la nature, des rites ignorés.

MARQUETERIES ALLÈGRES

Avec une rigueur joyeuse, attentif, méthodique, soigneux, Pascal Verbena élabore ses marqueteries insolites. Dans les dictionnaires, on nous dit qu’une marqueterie est un assemblage décoratif de pièces de bois précieux (ou d’écailles, d’ivoire, de nacre, de métal) appliquées par incrustation ou par placage sur un fond de menuiserie. Pascal Verbena préfère aux «bois précieux» des bois inattendus, trouvés, choisis. Il y incruste des pierres qu’il taille, sculpte, cisèle : des ardoises, des pierres qu’il nomme des « pierres de mer », des pierres ponces. Il ajuste des bois; il les aboute les uns aux autres; il les agence; il les combine; il n’emploie jamais de clous; comme un charpentier, il utilise des mortaises et des tenons; il les colmate; il les encolle en une totalité monochrome, hétéroclite, mêlée, émouvante, parfois tatouée, scarifiée. Les marqueteries de Pascal Verbena unissent la géométrie et l’élan vital, l’ordre et la fougue, la construction et l’exubérance, la logique et le visionnaire. Des ellipses, des disques, des anneaux, des spirales, des rectangles suscitent des métamorphoses de bêtes, de végétaux, d’êtres anthropomorphes… Pour mieux comprendre l’invention de Pascal Verbena, ces marqueteries sont proches de la «stylistique ornementale dans la sculpture romane» qu’étudie Jurgis Baltrušaitis, un très grand historien d’art du XXe siècle (Formations, déformations : la stylistique ornementale dans la sculpture romane, Flammarion, 1986 ). Dans cette sculpture, l’horreur du vide contribue à une stabilité et à une plénitude des formes; l’attraction du cadre les bouscule et les agite.. Des règles strictes font apparaître des corps déréglés, des anatomies déformées, des êtres monstrueux, des figures « dénaturées ». Certaines sculptures s’intitulent : Exode, Leurres, Marabout, Gémellaire, Hérisman, Gorgone, Le Goûteur, Le Coryphée, Le Garri Pascal Verbena crée des êtres composites, comme le « Hérisman », le hérisson humain. Il sculpte des accouplements, des assemblages, des liaisons, des chasses et des pièges, des voyages, des exodes, des éloignements, des mœurs et des coutumes de populations lointaines…Une de ses œuvres est l’emblème de la communication, de la transmission, des messages : «En Provence, (dit-il) le Gárri est un homme qui, du haut d’une colline, et, avec des miroirs, fait un signal. C’est une communication. Mais, en même temps, Le Gárri agace les autres en leur renvoyant le lumière dans les yeux.» Pour Pascal Verbena, l’art serait la fois l’illusion et la vérité, le leurre et le message, la machination et le rayonnement. Pascal Verbena serait-il un Gárri ?

BESTIAIRE FANTASMAGORIQUE

Avec une rigueur joyeuse, attentif, méthodique, soigneux, Pascal Verbena élabore ses marqueteries insolites. Dans les dictionnaires, on nous dit qu’une marqueterie est un assemblage décoratif de pièces de bois précieux (ou d’écailles, d’ivoire, de nacre, de métal) appliquées par incrustation ou par placage sur un fond de menuiserie. Pascal Verbena préfère aux «bois précieux» des bois inattendus, trouvés, choisis. Il y incruste des pierres qu’il taille, sculpte, cisèle : des ardoises, des pierres qu’il nomme des « pierres de mer », des pierres ponces. Il ajuste des bois; il les aboute les uns aux autres; il les agence; il les combine; il n’emploie jamais de clous; comme un charpentier, il utilise des mortaises et des tenons; il les colmate; il les encolle en une totalité monochrome, hétéroclite, mêlée, émouvante, parfois tatouée, scarifiée. Les marqueteries de Pascal Verbena unissent la géométrie et l’élan vital, l’ordre et la fougue, la construction et l’exubérance, la logique et le visionnaire. Des ellipses, des disques, des anneaux, des spirales, des rectangles suscitent des métamorphoses de bêtes, de végétaux, d’êtres anthropomorphes… Pour mieux comprendre l’invention de Pascal Verbena, ces mar queteries sont proches de la «stylistique ornementale dans la sculpture romane» qu’étudie Jurgis Baltrušaitis, un très grand historien d’art du XXe siècle (Formations, déformations : la stylistique ornementale dans la sculpture romane, Flammarion, 1986 ). Dans cette sculpture, l’horreur du vide contribue à une stabilité et à une plénitude des formes; l’attraction du cadre les bouscule et les agite.. Des règles strictes font apparaître des corps déréglés, des anatomies déformées, des êtres monstrueux, des figures « dénaturées ». Certaines sculptures s’intitulent : Exode, Leurres, Marabout, Gémellaire, Hérisman, Gorgone, Le Goûteur, Le Coryphée, Le Garri Pascal Verbena crée des êtres composites, comme le « Hérisman », le hérisson humain. Il sculpte des accouplements, des assemblages, des liaisons, des chasses et des pièges, des voyages, des exodes, des éloignements, des mœurs et des coutumes de populations lointaines…Une de ses œuvres est l’emblème de la communication, de la transmission, des messages : «En Provence, (dit-il) le Gárri est un homme qui, du haut d’une colline, et, avec des miroirs, fait un signal. C’est une communication. Mais, en même temps, Le Gárri agace les autres en leur renvoyant le lumière dans les yeux.» Pour Pascal Verbena, l’art serait la fois l’illusion et la vérité, le leurre et le message, la machination et le rayonnement. Pascal Verbena serait-il un Gárri ?

FRONTIÈRES, BORDS

Les frontières, les bords, les limites fascinent Pascal Verbena : la limite de la mer et de la terre, celle de la nature et de la culture, celle du profane et du sacré, celle de l’ordinaire et du magique, celle des gestes habiles et des rites, celle de la mort et de l’évolution créatrice, celle du plein et des vides, celle du fruste et de l’harmonieux, celle du rugueux et de la patine, celle du plat et de l’accidenté, celle de l’uni et de l’inégal. Pascal Verbena est un contrebandier qui traverse les frontières, un passeur.

Gilbert Lascault

©Galerie Chave Catalogue 2000

CATALOGUES sur Pascal Verbena

Principaux catalogues d’exposition :

1991 texte original d’Alain Paire
1995 « La mémoire, le secret, le sacré » texte de
M. Le Bot
2000 « les jeux des métamorphoses » texte de
G. Lascault
2003 texte de Michel Gaudet
2006 « La bise de l’âne » texte de Pascal Verbena

EDITIONS sur Pascal Verbena

Album à tirage limité

1995 « Ephémère oasis » tirage lithographique
59 exemplaires – édition Pierre Chave