LOUIS PONS

 ŒUVRES DE 1952 A 1986
PEINTURES A L’HUILE  –  DESSINS A L’ENCRE DE CHINE  – 
JOUETS POUR ADULTES –   MONTAGES DE REBUTS ET DÉBRIS

Jusqu’au 30 novembre 2019

L’exposition Louis Pons (œuvres de 1952 à 1986) se poursuit dans les 2 galeries jusqu’au 30 novembre 2019 .
Au 13 : Peintures de 1949 à 1952, dessins à l’encre de Chine et  Jouets pour adultes, premiers montages de l’artiste présentés à la galerie en 1962.
Au 12 : Montages de 1960 à 1986.
Louis Pons réussit à nous montrer à travers les 90 œuvres de cette exposition que  

« L’ART DOIT CLOUER LE BEC »

Louis Pons est né à Marseille en 1927 et a vécu en Provence jusqu’en 1973, date à laquelle il s’est installé à Paris. Il a réalisé des peintures à l’huile et un grand nombre de dessins à l’encre de Chine que nous avons montrés pour la première fois à la galerie en 1952. En 1961, nous avons présenté ses premiers assemblages de rebuts et débris Jouets pour adultes, révolutionnaires à cette date. Depuis , nous avons réalisé de nombreuses expositions de groupe et deux rétrospectives personnelles :
1982 : Parcours.
1987 : Étapes.
D’autres expositions importantes ont été réalisées, à partir des années 1970, à la galerie Le Point Cardinal et à la galerie Claude Bernard à Paris et dans de nombreux Musées en France et à l’étranger. L’exposition que nous présentons cette année dans les deux espaces de la galerie montre l’itinéraire d’un artiste qui, affranchi de tous les systèmes, a créé dès les années 1950, avec son esprit rebelle et caustique, une œuvre riche et forte qu’il faut absolument découvrir et re-découvrir.

« …Je travaille comme on se ronge les ongles…
… sous les doigts la chose naît…
… le temps s’écoule sur moi…  »
(L. Pons, « Autoportrait »)

Texte  de Fred Deux sur Louis Pons (catalogue Étapes 1982 © Galerie Chave)

LOUIS PONS OU LA RÉALITÉ IMAGINAIRE

Travail. Ce qui apparaît – à la surface de ce que je vois – m’entraîne vers un fond où je suis Louis Pons en  » Travail ».
Pour moi, il est ce marcheur qui sait qu’il se perdra s’il poursuit son chemin malgré l’approche de la nuit. Il se prépare à la  » rencontre  » qui lui barrera le passage. Sans surcharge il attachera ce qu’il veut traîner jusqu’ici, devant nos yeux.
Affleurement, déchirement, le travail se fait. Louis met ses forces dans ce qu’il ramasse, dans ce qu’il reçoit.
Durée. On n’entre pas aisément à l’intérieur. Une fois dedans, on ne trouve pas : on fait, on défait. Je m’avance pour  » entrer », pour toucher, pour entendre le bruit qui tremble. Je suis pris dans les racines qui tracent un masque au travail. Le « choix » n’a plus le sens que nous lui accordions habituellement. Nœud tentateur, Louis Pons le fouille. Une miette porte entre ses pattes ce qui nous échappait.
Ce matin je marchais dans le bois. Il y a quelques jours j’étais chez Louis, dans son atelier. Ce matin l’eau tremblait sur la terre molle. Les arbres luisaient comme des poissons ou des ailes d’oiseau mouillé. Dans l’atelier j’avais le même tremblement. Dans le bois rien ne peut laver ce tremblement, me laver la mémoire. Quelques feuilles se balançaient au bout de leur branche. À mesure que je m’enfonçais, je voyais ressurgir du sol par endroit de mousse, dans l’indescriptible travail de la nature, le travail de l’homme.
J’ai rencontré Louis Pons en 1950, alors que j’étais employé dans une librairie. Il avait un carton sous le bras. Il me laissa voir ce qu’il y avait à l’intérieur. Depuis cette rencontre nous nous sommes croisés souvent, dans le secret plaisir de nous parler bas.
Si je transcris, ici, un fragment de mes notes, c’est pour mieux montrer que ce qui se passe lorsque je travaille c’est aussi ce qui doit se passer en Louis, lorsque, (je l’imagine) il est penché sur ce qu’il fait. Il suffira de remplacer le « je » par « il », en apportant la nécessaire correction au fait qu’il ne travaille plus sur du papier :

… « Millimètre après millimètre, la chose avançait sans que je comprenne si elle émergeait de moi ou du seul papier blanc. Je me trouvais en travail, en jonction avec lui, avec ses articulations, lui prêtant les miennes, les lui retirant, le laissant remuer doucement, calmement, comme dans l’ultime point où les formes nous jettent dans l’immense faiblesse.
Je me sentais avançant dans la nudité de la feuille, découvrant l’espace nouveau où j’allais m’identifier à lui. Des douleurs nous rasaient, laissant échapper sur chacun la fine trace de la brûlure qui nous réjouissait.
Je recevais, physiquement, ce que je renvoyais par la pointe de mon instrument, étoile filante dont l’orientation ne semblait dépendre que de moi.
Travail de la non-délivrance qui pouvait me dissoudre dans un étrange sensation des profondeurs des corps, de mon corps, engendrant des réseaux qui tenaient lieu de corps au travail lui-même »…

J’ai voulu parler de Louis Pons ami, évitant volontairement de me servir des mots si utilisés habituellement pour « dire » ce que l’on voit. J’ai voulu dire ce que je sens, et me gardant de prendre, à mon compte, ce mot qui me semble impropres à sa recherche : assemblages. Peut-être y eut-il dans le passé, des « assemblages ». Mais je sens lorsque sa main saisit – qu’elle choisisse ou non – à l’instant où elle place la « chose », cette main efface un temps connu de nous pour laisser passer et dire ce qui, par en dessous, se cachait non seulement à notre regard mais à notre compréhension. Ce n’est donc pas (pour moi) le seul « choix » qui « assemblerait » ici ces choses, non un heureux hasard qui nous réjouirait, mais un TRAVAIL, et un propos bien connu des alchimistes, de transmutation.
« …L’idéal, dit Louis Pons, dans l’Autoportrait paru chez Morel éditeur, au cours de l’hiver 1982, serait de transformer l’or en plomb »… Je me suis longuement interrogé sur cet idéal-là ! et sur le travail de ses mains nerveuses d’où sort une œuvre de chair « à la pointe du rêve, à la limite du rire, face à la mort » ajoute-t-il presque ironiquement. Je souhaite, à tous ceux qui vont venir voir ses œuvres, « un bon voyage ».